« Il n’y a pas de problèmes » ou le lâchez-prise puissance 10

« Il n’y a pas de problèmes », une expression tellement typique et répétée dans cette partie du monde qu’elle en est devenu un cliché du continent africain.

Personnellement et depuis quelques années, je me suis rendue compte qu’ile me fallait au minimum trois jours sur le continent pour commencer à croire en cette phrase et pouvoir penser qu’effectivement « il n’y a pas de problèmes ». Même si le taxi qui doit nous emmener à l’aéroport à 30 minutes de retard, si il arrive dans la prochaine minute et qu’il n’y a pas d’embouteillage, on sera bien à l’heure et puis on a pas encore raté notre avion. Donc il n’y a pas de problèmes… il n’y a pas « encore » de problèmes. Il pourrait y en avoir mais au temps T il n’y en a pas. C’est bien ce qui nous diffère. L’occidental se concentrera sur le fait « qu’il pourrait avoir un problème et tachera de le prévoir et s’en inquiètera si il ne peut pas s’en prévenir avec certitudes ». L’africain lui se centre sur le fait «  qu’il n’y a pas encore de problèmes et qu’une solution peut venir ». ( Bien entendu certains occidentaux seront plus à vivre dans le moment et certains africains plus prévoyants mais c’est une tendance générale).

Cette expression « il n’y a pas de problèmes » illustre bien des visions sur la vie très différentes entre l’Occident et l’Afrique.

En occident, on a pris l’habitude d’avoir le contrôle sur presque tout notamment en ayant un respect des heures , des agendas surbookés mais bien ordonnés avec des rendez-vous programmés des semaines, des mois voir même des années à l’avance (pour le gros événements comme les mariages par exemples).

En Afrique de l’Ouest, comme je vous l’ai déjà partager ici, il est difficile au vu de la nature changeante de la vie de programmer sa journée. De toute façon, on sait que celle-ci  ne sera pas de qu’on a prévu : parce qu’il peut pleuvoir, un événement peut venir changer le programme de votre collègue et donc le vôtre, une panne de véhicule est vite arrivée ou tout autre aléas.

Donc, la plupart des gens ( dont moi,… enfin, j’apprends) gardent un équilibre subtil  sur leur agenda. Bien entendu, on peut prévoir des événements ( sinon, ce serait impossible de se rencontrer) mais cette prévision est accompagnée d’une bonne dose de lâcher-prise. On sait pertinemment que ce ne sera pas tout à fait , voire pas du tout, comme prévu. Il faut donc rester ouvert également aux changements et aux opportunités qui pourraient apparaître en cours de journée.

Quelque part vers les sources de Dafra

Un certain flou permanent

Cette façon de voir entraine une certaine incertitude : a priori, à cette heure-là, je serai en rendez-vous sauf si… ; je pourrais être disponible cette après-midi à moins que…

Notre agenda devient un peu flou sur les bords, on n’est jamais certain à 100%.

Cette sensation de flou est accentuée lors des échanges avec les burkinabé : parce que n’étant pas de la même culture, on pourrait ne pas se comprendre, parce qu’ici la plupart des gens échangent dans une langue qui n’est pas leur langue maternelle, des précisions peuvent se perdre à la traduction, parce que la langue véhiculaire même qu’est le Dioula n’ a pas de mots tranchés que pour dire « oui » ou « non ».

Cette incertitude demande pour un esprit occidental formaté au contrôle des choses un grand lâcher-prise. Accepter ce flou n’est pas toujours simple et pourtant je commence à apprécier certains côtés de ce flou. Dans cette incertitude, rien n’est jamais totalement fermé. L’incertitude ouvre un champ complet de possibilités qui ne tient qu’à nous de saisir. Par ailleurs, vivre dans ce flou oblige au lâcher-prise et à arrêter de s’inquiéter pour des choses qu’on ne sait pas contrôler. Un travail sur soi important mais somme doute agréable quand il aboutit. Je ne peux pas contrôler que mon rendez-vous de 15h soit à l’heure mais par contre, je peux choisir de l’attendre ou au contraire de saisir une autre opportunité qui est apparue entretemps. Il ne m’en voudra pas vu que lui-même à suivi une autre opportunité et est donc en retard de plusieurs heures.

Dans les jardins de Bolomakoté

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