Regards croisés sur la sécurité
« Fais attention à toi » est une phrase qu’un certain nombre de mes amis ont prononcé quand je suis venue m’installer au Burkina . Il est vrai que depuis la Belgique et en lisant les sources disponibles comme les médias courants et les sites officiels des ambassades, le Burkina Faso pourrait paraître dangereux : victime de terrorisme récurent depuis 2015, le pays est classé zone rouge par l’ambassade française et une bonne partie du pays est également classé ainsi par la Belgique. Par ailleurs, nos imaginaires occidentaux voient l’Afrique comme un continent ravagé par des maladies avec une système de santé vétuste ( ce sera pour un post prochain), la criminalité envers les blancs, le risque d’accidents, les catastrophes naturelles. Raisons pour m’appeler à la prudence.
Sauf que, depuis que je suis au Burkina,( un petit mois seulement), la vision que j’ai de la Belgique est tout aussi restreinte et uniquement via les réseaux sociaux et les médias classiques. Et là aussi, si je devais y retourner mes amis burkinabé me diraient « fais attention à toi! ». D’ici, il semblerait que le covid-19 tue à chaque déplacement, que la canicule a fermé tout le pays, que c’est la crise sociale généralisée et que l’Europe est au bord des émeutes. Je ne suis pas certaine que c’est vécu comme cela au quotidien par mes amis restés au pays.
Il est donc bon de balancer le discours de part et d’autre
Le risque terroriste
Depuis 2015, le Burkina est victime d’attaques terroristes et d’une instabilité croissante particulièrement dans les régions des ses frontières nord et est. Cette situation grave n’est pas à nier : des dizaines d’attaques, des centaines de morts, des milliers de blessés et de déplacés internes. La situation est grave et si les occidentaux ( les blancs) peuvent être visés directement par les terroristes ( enlèvements ou attaques), la situation sécuritaire touche d’autant plus les populations locales.
Néanmoins, la vie continue dans la plupart des villes burkinabé. Ici à Bobo Dioulasso, la vie suit d’ailleurs un cours qu’il semble tout à fait normal avec des événements culturels, des sorties le weekend, des visites touristiques. Sans nier le risque terroriste ( le risque zéro n’existe pas mais il n’existe pas non plus à Paris ou à Bruxelles), on peut donc vivre tranquillement à conditions de suivre quelques mesures de bon sens :
-éviter de se balader non-accompagné dans certaines zones plus sensibles ( la frontière nord est actuellement à éviter).
-éviter les déplacements de nuits.
-ne pas indiquer ses habitudes ou ses déplacements au tout venant ou sur les réseaux sociaux par exemple.
-Plus on se promène avec des signes ostensibles de richesses ou de tourisme ( voyages en groupe, en grosses voitures bien propres, lieux prisés par les expatriés), plus on s’indique comme personne intéressante à enlever. On évite donc , et on sort des sentiers battus.
– et surtout, surtout, on demande aux amis et collègues locaux. C’est eux qui connaissent mieux la situation. Et si on souhaite se rendre dans un endroit, on n’hésite pas à demander à se faire introduire pour être certains d’être toujours en présence de personnes connues et de confiance. Par ailleurs, si votre ami burkinabé fronce des sourcils à votre description de votre prochain weekend et y ajoute un « ce n’est peut-être pas une très bonne idée », on modifie ses plans. C’est que ce n’est pas une bonne idée du tout ! Les burkinabé sont modérés dans leur propos.

Le classement du pays en zone rouge a fait chuté la présence des touristes dans le pays et touché l’économie qui y était liée. Le nombre moindre de touristes a aussi privé une partie de la population burkinabé d’une ouverture sur le monde, sur des personnes avec des modes de vies différents. Un isolement et une détresse économique qui favorise précisément la propagation des idées extrémistes. Entre danger réel et conséquences sur la population, il faut aussi trouver un équilibre. Isoler entièrement une population n’est jamais bon.
La criminalité
Toutes ses mesures ci-dessus servent aussi à limiter le risque d’être victime de vols. En effet, la situation sécuritaire trouble permet également au banditisme de se déployer . Et il faut dire qu’avec une couleur de peau bien blanche, on pourrait vite être confondu avec des portes-monnaies sur pattes, conséquences de l’attitude d’abord des colons puis des touristes aux comportements ostentatoires. On rajoute dans sa liste de règles de conduites :le fait de ne pas se balader avec beaucoup de liquides, d’éviter les promenades seule la nuit, de bien fermer son habitation, etc. Toutes règles qui sont également à suivre dans n’importe quelle grande ville, n’importe où dans le monde.
Le vol est cependant rare au Burkina et très mal vu par la société burkinabé. Malheur au voleur à la tire qui se ferait prendre, il risque le passage à tabac bien avant d’être remis aux autorités.
Le risques d’arnaques
Si il est vrai qu’un blanc, visiblement étranger payera toujours plus cher le service ou le produit surtout si comme moi, il ou elle ne sait pas négocier, il faut aussi savoir relativiser. Au pire : l’arnaqué aura fait vivre toute une famille et fait bien rigoler le burkinabé et au mieux permis un petit extra pour le vendeur. Et au vues des prix pratiqués, le fait d’avoir payé 3 à 4 fois le prix normal ne ramène toujours pas aux prix européens pour un produit de qualité similaire.
Ce qui me surprend toujours, c’est qu’une fois le prix négocié et fixé, il n’y aura plus de discussion, ni de change mal rendu. Parfois, il faudra s’armer de patience pour obtenir la monnaie dans un maquis ou une petite échoppe mais cette monnaie vous reviendra toujours au franc près ou en votre faveur si l’élusive pièce de 50 francs n’a pas été trouvée.
Et en tant que femme ?
Et en tant que femme, parfois seule ? Et bien, je ne me sens pas plus ni moins en sécurité qu’en Europe.
Il est vrai que le burkinabé est dragueur, très dragueur parfois. Ce qui pourra par moment être vécu comme lourd et insistant.
Cependant quand le « non » est ferme et contrairement en Europe, je n’ai jamais reçu d’insultes en échanges. Si cela prend parfois un peu de temps de se débarrasser d’un burkinabé un peu collant, et de nouveau contrairement à en Europe, je ne me suis jamais fait suivre jusque chez moi après un refus.
Je continue donc à faire attention, comme malheureusement toutes les femmes du monde ont appris à faire attention quand elles se déplacent seules la nuit où qu’elles soient.
Vivre au Burkina Faso est-il risqué ? Oui sans nul doute mais comme il est risqué de vivre à Bruxelles, de prendre sa voiture sur les routes belges, de monter sur une échelle pour changer une ampoule. Bref, comme il est risqué de vivre, à chacun de suivre quelques mesures pour éviter le pire.

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