Quand on parle de rythme africain, nos regards d’occidentaux y entendent en général deux choses :
D’une part la musique et danse africaine dont il sera peu question ici. A part pour vous dire que avec au minimum une danse traditionnelle spécifique par ethnie et les 63 ethnies du Burkina Faso, il est un peu réducteur de parler de LA danse africaine et que pour avoir accompagner mes amis burkinabé à quelques soirées, non tous les africains n’ont pas le rythme dans la peau et ce, même, si ils démontrent un enthousiasme bien plus grand que les mâles occidentaux pour rejoindre la piste de danse.

D’autre part, quand on parle de « rythme africain », les occidentaux y voient au mieux de la nonchalance et au pire de la paresse. « tout est lent, ici » ; « ne te presse pas, c’est l’Afrique » « bien sûr qu’ils auront 1 heure de retard, ils sont africains ». ces phrases ne sont pas rares.
Mais si il est indéniable que le rythme au Burkina n’est pas le même qu’en Belgique, il est faux de l’associer à de la nonchalance et encore moins à de la paresse. Force est de constater que :
Le bobolais ne dort jamais
Une de mes grandes questions lors de mes premiers séjours à Bobo Dioulasso était celle-ci : « mais, vous dormez quand ? ». « oh, tu sais parfois, on ne dort pas. On sort et puis on va avec les yeux rouges au service ». En effet, et même si certaines heures sont moins actives que d’autres, à toutes heures du jour et de la nuit, il y a de l’activité à Bobo.
- A 4h30 du matin ; le premier appel à la prière résonne, les premières équipes de nettoyeuses de rue et de vendeuses du marché sortent.
- A 6h00 du matin , les fonctionnaires les plus zélés arrivent au bureau.
- Le service ( terme utilisé pour désigner sa plage horaire de travail) dure de 8h à 16h.
- A 13h, c’est la pause de midi sauf en cas d’imprévu ou de service continu.
- A 17h, on commence une réunion.
- A 19h, on mange ou alors on a déjà mangé vers 18h ou 22h, j’ai encore un peu de mal à déterminer.
- A 19h30, c’est le dernier appel à la prière de la journée.
- A 22h, on boit un verre dans un maquis.
- A minuit seulement, la foule commence à arriver dans les maquis ambiancés.
- A 4h, on recommence
Selon mes observations, les heures de repos communes à tous semblent être entre 2h et 4h du matin et entre 13h et 16h, heures les plus chaudes et donc où la productivité tombe). Sauf bien sûr si une réunion ou une activité vient s’intercaler, il faut être flexible ! ( on le verra plus loin.)
Donc à ma question « quant est ce que le bobolais dort ? » , la réponse pourrait être « quand il peut » ou « quand le sommeil lui tombe dessus ». D’ailleurs, il n’est pas rare d’avoir un collègue qui s’endort sur sa chaise en pleine réunion ou formation.
Le burkinabé travaille tout le temps
Le burkinabé a plusieurs travails : un travail d’employé rémunéré, des business complémentaires, des commerces , des activités associatives.
Du coup, il et elle travaille tout le temps. Pendant le service ( le service étant la plage horaire de son travail employé principal), lors de pauses du services, en après-midi, en soirée, tôt le matin ; le samedi, le dimanche. Depuis notre arrivée, notre jour le plus actif en rencontres y compris professionnels est le samedi.
Les journées sous le ciel burkinabé sont longues et imprévisibles
Le contraste le plus flagrant entre le rythme « africain » et le rythme « européen », c’est qu’en Afrique vous avez beau programmer votre journée, rien ne va se dérouler comme prévu.
Le premier imprévu à prendre en compte est la météo : en effet, en saison des pluies, quand il pleut, il pleut à torrents. Et toutes activités s’arrêtent. Les routes sont impraticables, les déplacements impossibles. Les gouttes énormes tambourinent sur les toits de tôles brouillant toutes conversations. Les orages peuvent provoquer des pannes de réseaux. En saison sèche et plus particulièrement vers le mois d’avril où les températures montent allégrement jusqu’au 40°, ce sont les pannes de courant qui vont stopper toutes activités. Outre le fait que votre ordinateur de bureau ne fonctionne que quelques heures sur batterie, je défie quiconque de garder la tête froide pencher sur une comptabilité difficile par des températures pareilles. Il faudra attendre la soirée que les températures redeviennent acceptables en espérant que l’électricité et donc la lumière soit revenue.
Le deuxième imprévu possible et fréquent : le coup de la panne. Les véhicules burkinabé sont extraordinaires de résilience quand on compare leur vétusté et l’état chaotique des routes. Cette résilience fait cependant parfois défaut et comme la ville de Bobo est très étendue , les transports en communs peu fiables et la marche à pied inconnue, il faudra attendre un autre véhicule avant de vous rendre à votre rendez-vous. Le prochain véhicule disponible le sera peut être le lendemain.
Troisième imprévu : les obligations de travail, familiales, traditionnelles de votre partenaire burkinabé. Le burkinabé s’insère dans un enchevêtrement de hiérarchies liées à son poste de travail, ses business, sa position dans sa famille, son implication religieuse ou traditionnelle qui peuvent prendre la priorité à tout moments sur votre rendez-vous. Vous ne serez cependant jamais oublié et bien souvent , le burkinabé essaie de répondre à ses obligations toutes en même temps, quitte à vous balader à ses autres rendez-vous également. Mais il peut arriver que vous perdiez la priorité. Pas de quoi s’offusquer, ce n’est que partie remise !
Le quatrième imprévu : la visite surprise. Autant la société burkinabé semble remplie de protocoles, autant il est toujours bienvenu de faire une visite surprise pendant plusieurs longues minutes. Que ce soit pour poser une question professionnelle ou simplement saluer une personne, vous serez toujours accueillis, le plus souvent même avec l’offre d’un verre d’eau ou d’un café.
Ici, on prend le temps de faire les choses
La différence la plus importante mais aussi la plus agréable : ici on prend le temps de faire les choses.
Quand Casimir me ramène à la maison après un rendez-vous, il va prendre le temps de s’assoir , prendre un café, discuter. Bien sûr il est « en service » mais cela n’empêche pas de prendre le temps de se poser/ pauser et de discuter avec les gens. En quelques sortes, cela fait partie du service de rendre service.
Quand il pleut, on laisse le temps à la pluie de passer.
Quand on prend un petit verre avec quelqu’un , pas question de s’échapper au bout de 10 minutes. On va prendre le temps avec la personne.
Quand on va manger dans un maquis, certains plats demanderont plus de temps, ce n’est que garantie de la fraicheur et de la préparation minute de votre poulet flambé (qui quelques minutes avant votre arrivée gambadait entre les tables).
Pas question de courir sur le chemin, ni de survoler. Ici , on fait les choses en profondeur en accordant le temps nécessaire, voir un peu plus. Pour moi, cela me donner la possibilité d’être bien plus consciente et présente à ce que je fais.
