De ce que l’on montre et de ce que l’on cache

La société burkinabé est pleine de mystères,des choses qui me sont encore ou me seront toujours, invisibles. Des mystères sur lesquels les burkinabé eux-mêmes sont discrets. Les burkinabé sont discrets sur leurs émotions, sur leurs liens de loyauté ( pas facile de s’y retrouver entre les loyautés de famille, d’ethnie, de hiérarchie de travail) . Par contre, il y a pas mal d’éléments sur lesquels , ils ne sont pas discrets. Donnant à voir ce que l’on cache en occident sans même se poser de questions.

Des déchets visibles partout

Une caractéristique du paysage de Bobo Dioulasso est malheureusement la présence des déchets. Sacs plastiques noirs qui s’accrochent aux branches, monticules de tailles variées au coin des rues, des bouts de plastiques, de ferrailles, des morceaux de tissus dans le marigot de la ville.

Lors de ma formation en éco-coopérant, un des binôme s’est penché sur la question complexe des déchets. Ce qui mène à une telle situation a des sources multiples : problème de collecte au niveau des habitants, problème de transports jusqu’au centre d’enfouissement, manque de valorisation.

En occident, nous n’avons pas ces problèmes de transport de nos déchets, ceux-ci « disparaissent » au minimum une fois par semaine pour peu qu’on aie sorti le bon sac à la bonne heure. Mais que deviennent-ils, une fois disparus ? Peu d’entre nous le savent : « ils sont recyclés ! » Oui, sauf que pas tous, à grand renfort de dépense d’énergie et moins qu’on ne le croit et le reste finit aussi dans des centres d’enfouissements, dans d’autres pays même, loin de notre vue dans tous les cas.

Depuis mon arrivée à Bobo, je suis bien plus consciente de ma propre production de déchets. Je les vois s’accumuler dans ma cuisine. Je les ai même vu se retrouver dans la rue : la dame chargée de nettoyer évacuant les déchets comme elle en a l’habitude en les sortant. Ce qui est certains est que voir cette boîte de crème corporelle belge, ce bout de papier avec mon écriture sur le pas de ma porte me rend bien consciente de ma propre production de déchets.

la poésie des déchets du marigot houet

Le traitement des eaux

La question reste la même avec les eaux usées. Tous raccordés aux égouts  en Europe, on ne se pose même pas la question d’où va l’eau une fois partie dans le siphon de l’évier.

Ici, et même si en ville comme à Bobo Dioulasso de nombreuses habitations sont maintenant raccordés aux égouts, on a gardé l’habitude de jeter l’eau, devant chez soi. Et à la question de « où va l’eau ? », on sait très bien la réponse: Devant chez soi et parfois elle ruisselle jusqu’au caniveau. Si l’eau usée sent mauvais, cela sentira aussi devant chez soi.

D’ailleurs, c’est une différence tellement frappante que nous l’avions utilisée en fin de formation pour illustrer les petits chocs culturels rencontrés.

Le gras, le sucre et ce qu’on mange

 Une deuxième élément où tout est plus visible ici au Burkina est celui de la nourriture. Même si quelques confiseries, conserves , etc. commencent à arriver sur le marché, ceux-ci restent l’apanage des classes plus aisées et pour la majorité, tout est cuisiné à la maison. On sait pertinent ce qu’il y a dedans.

Par ailleurs, on ne cache pas la teneur de l’alimentation.

Quand c’est gras, c’est gras, ça se voit. Ça luit, ça suinte, ça laisse les mains poisseuses. Pas comme ces plats tout préparés allégés qui regorgent de graisses polyinsaturées.

porc-au -four: gras mais sans additif!

Quand c’est sucré, c’est très sucré. Ça se goûte, ça donne soif. D’ailleurs dans le thé, on met 3-4 carrés de sucre. L’équivalent de ce qu’on peut retrouver dans ces eaux vitaminées et aromatisées européennes comme cet Evian goût menthe ou ce vittel goût citron.

Et quand c’est chimique, c’est chimique. C’est fluo, presque au point de briller dans la nuit.

Ce qui est certain, c’est que l’ingrédient caché existe peu. Pas de lactose ajouté dans un morceau de viande, pas de gluten dans la sauce ou la soupe.  Et  la viande est de la viande, même ce bout brun de source non identifiée qui flotte dans la sauce arachide.

Le corps

Les religions révélées qui rendent les corps pudiques sont fortement implémentées au Burkina et pourtant le rapport au corps y est plus naturel par moments.

Une femme qui allaite son enfant  ne songe pas à cacher son sein nourricier quand l’enfant le réclame, même pas sous un carré de tissu comme le ferai les moins pudiques de mes copines ( les plus pudiques , elles, quitteront la pièce). En rue, en réunions, lors d’un atelier, la mère burkinabé répond aux besoins du nourrisson sans perdre une miette de ce qui se passe autour d’elle.

Ici, peu d’euphémisme pour ses besoins primaires. Pas de « j’aurais besoin des sanitaires » mais «  où sont tes toilettes, je dois pisser ». Les plus imagés diront un «  je vais me soulager ».

Les émotions

 Par contre, un.e burkinabé ne perd pas la face. Il-elle ne doit pas se montrer émotif face à une vie qui peut être dure.  Ainsi on ne montre pas ses émotions les plus bouleversantes. On ne fait pas part de ses difficultés .«  Ça va aller », «  pas de problèmes », «  ça va un peu bien ». Toutes ces expressions qui permettent de minimiser nos émotions, nos bouleversements internes. Ceux-là, on les garde cachés, pour soi, hors de la vue des autres.

Sauf quand on a un ami blanc. Un ou une toubabou qui ne comprend pas tout, qui cherche à comprendre ce qui a derrière ce «  un peu bien ». Et , parce que expliquer fait partie de l’accueil que l’on doit donner à l’étranger, on va se confier, avec pudeur. Parfois cela fera du bien de se confier ainsi. Alors, on va venir s’installer à côté de cet ami blanc, avec l’espoir qu’il ou elle pose cette question qui nous permettra de répondre «  ce n’est pas simple… ».

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