Au Burkina Faso, on aime rire. C’est peut être le trait culturel du pays que j’aime le plus : l’humour.
Toute situation ou presque, aussi désagréable ou tendue qu’elle soit, peut -être résolue par une bonne plaisanterie.
Cette culture est due à ce qu’on appelle la parenté à plaisanterie, un système complexe qui lie les nombreuses ethnies de la région entre elles et qui promeut ainsi la cohésion sociale.
Ainsi chaque ethnie est liée avec une, deux ou trois autre ethnies par des liens immuables. Les Dagaras sont les grands-parents des Mossis, les Bobo sont en parentés à plaisanterie avec les peuls, les Bissas avec les gourousis, etc.
L’ethnie, parente à plaisanterie avec une autre ethnie à un rôle très important de médiateurs en cas de conflit interne. Et deux ethnies liées entre elles par un lien de parenté à plaisanterie ne peuvent jamais en venir aux mains.
Ce système social complexe et surtout les plaisanteries qui y sont liés ont transpirés sur l’ensemble de la société burkinabè où l’humour et la capacité de faire de l’humour dans une situation critique est hautement appréciée. Pour ma part, je me suis rendue compte que mon habitude de dire « des bêtises » de temps en temps m’a grandement facilité de nombreuses démarches. Et ce même si l’humour est culturel et diffère de personnes en personnes. Mon humour est parfois sarcastique , noir ou « pince sans rire », ce qui demande quelques secondes à mes interlocuteurs pour comprendre que je fais de l’humour mais une fois compris que je plaisante, mes interlocuteurs burkinabè vont me rejoindre dans la plaisanterie et notre conversation sera tout de suite plus agréable.
Petit florilège des situations où l’humour m’a facilité les choses:
A mon installation dans le pays et pendant près de 4 mois, mon portefeuille électronique lié à mon numéro de téléphone n’était pas à mon nom mais au nom d’un responsable de l’organisation avec qui je suis partie en 2019. Or pour certaines démarches, il faut s’assurer de la bonne identité lié au numéro…. Et pourtant, une fois, que l’opérateur me regarde en me disant le nom n’est surement pas le mien et que je répondais « ah oui, c’est au nom de mon papa », j’ai pu faire toutes les démarches nécessaires.
Lors d’un retour en Belgique, à l’aéroport de Ouagadougou, malgré mes précautions, je fais sonner le dispositif de sécurité. La préposée à la douane ne trouve pas directement le responsable et me demande donc d’aller dans la cabine de fouille. L’expérience est devenue assez cocasse quand elle éclate de rire : c’est probablement la baleine de mon soutien-gorge qui fait sonner le dispositif. Cette dame riait encore quand nous avons embarquer et faire rire la sécurité de l’aéroport, je n’aie jamais réussi dans un autre pays que le Burkina !
En 2013, lors de mon tout premier séjour dans le pays, nous trouvons avec des collègues autrichiennes une caricature sur les ophtalmologues… Nous souhaitons l’offrir à nos collègues burkinabè dont le travail est justement de développer l’ophtalmologie dans le pays. Nous hésitons quand même un peu « est ce que cela sera bien pris ? » . L’hilarité de nos collègues nous a directement rassuré !

A la banque, où avec des partenaires, nous souhaitons ouvrir un compte et surtout obtenir un papier d’attestation pour continuer les démarches administratives. Sauf que pour valider l’étape, il nous faudrait un cachet en plus de nos signatures ( oui le burkinabè raffole des cachets). Pour être certaine du bon processus, je reformule à ma manière : « donc, vous tenez le papier en otage, jusqu’à ce que je reviennes demain avec un cachet ? ». Le banquier rit doucement « oui c’est ça » en nous donnant directement le dit papier « je vous attends demain »…
Depuis longtemps, je me suis rendu compte que ma réaction par défaut à une situation qui ne me plait pas est de me moquer soit de la situation soit des personnes responsables de la situation. Ce n’est pas très gentil et j’en suis consciente sauf qu’ici , au Burkina, ça me sert assez bien parce que les moqueries , bien faites, c’est aussi une sorte d’humour qui rentre bien dans la tradition des parentés à plaisanteries.
Et puis un pays où il est obligation sociale de plaisanter, c’est quand même bien agréable !
