Money, Money

Le rapport à l’argent, un sujet qui peut être bien compliqué mais surtout qui est , comme j’ai pu le constater influencé fortement par la culture dans laquelle on vit.

Ainsi la manière dont l’argent est utilisé, circule de personne en personne varie fortement entre le Burkina Faso et la Belgique ;  et ce même si le mode occidental tend à se généraliser même ici au Burkina et que des alternatives émergent en Belgique

La preuve en deux points :

Les modes de transaction

En Belgique, la quasi entièreté de nos opérations financières passe par le système bancaire. Que ce soit par des versements directs de compte à compte ou par les paiements en carte bancaire, l’argent passe d’un compte bancaire à un compte bancaire , point. Un phénomène poussé par les banques elles-mêmes, les institutions et nombre grands commerces privés qui poussent à la digitalisation au détriment des petits commerces ou de l’anonymat. Et bien que des alternatives se développent comme les monnaies locales ou quelques portefeuilles électroniques indépendants, c’est assez rare.

Au Burkina Faso, même si les banques prennent de l’ampleur et ajoutent des services «  à l’occidental », c’est loin d’être la majorité. Une partie importante de la population n’a même pas de compte en banque.

Les transactions se font en espèces le plus souvent même pour des sommes de plusieurs millions de CFA ( bon, ok , 2 millions de CFA , ça ne fait jamais 3.000€ mais amis belges , c’est quand la dernière fois que tu as eu 3.000€ en cash sur toi ou à la maison ?). Et comme le plus gros billet est de 10.000 francs, ce n’est pas rare de voir des personnes avec des sachets de liasse de billets de banque pour faire leur achat. Ici, même les impôts peuvent se payer en espèces

Sinon, le chèque est largement utilisé car il peut être encaissé par tous y compris ceux sans compte bancaire. En Belgique, à la différence de la France, le chèque a pratiquement disparu et les frais pour l’encaisser sont décourageants.

Un troisième mode qui se généralise très vite est le payement par porte-monnaie électronique. Généralement lié à un opérateur téléphonique, il permet de faire des transferts très rapidement , parfois à l’autre bout du pays ou même dans un pays voisin par simple SMS. Il faut parfois être patient avec la connexion mais celle-ci est bien plus stable pour ces portefeuilles électroniques que pour les quelques terminaux bancaires qu’on voit apparaitre dans certains supermarchés.

Le virement ou versement de compte à compte ne se fait en général que pour les salaires des fonctionnaires, des employés de grosses boites ou d’ONG et pour des montants conséquents. Celui dont le salaire est au niveau du SMIC recevra un chèque.

Épargne vs circulation

En Belgique, on épargne l’argent, au Burkina Faso, on le distribue.

C’est bien sûr un peu exagéré, et pourtant…

En Belgique, nous sommes champions de l’épargne. Les belges versent même encore en quantité sur leur compte épargne qui avec des taux 0 voir négatif leur coutent. Il faut dire que depuis tout petit, on épargne : notre agent de poche se retrouve dans des tirelires  pour pouvoir acheter notre désir, un héros de notre enfance, l’oncle Picsou bien que très riche, ne rêve que d’accumuler l’argent pour l’épargner.

Alors, on épargne pourquoi ? Pour pouvoir se permettre un plus gros achat comme une maison, une voiture, pour transmettre à nos enfants mais aussi «  au cas où », en cas de coup dur ou de coup plus sympa : on épargne. Et celui qui n’épargne pas , va se sentir juger ou mal à l’aise car « pas préparé ».

Au Burkina , c’est tout l’inverse. Quand tu reçois de l’argent, il te faut le distribuer : acheter quelque chose, payer quelqu’un pour faire ceci ou cela , engager quelqu’un, le prêter à un membre de la famille, à un ami, le donner, soutenir la famille : l’éducation d’une nièce, la maladie d’un oncle. Bref, l’argent ne reste pas dans ta poche. Cela cause certaines difficultés car comment investir des grosses sommes dans un nouvel équipement quand il est impossible d’accumuler la somme nécessaire ? Alors, on use de stratagème : les nouveaux comptes épargnes disponibles en banque sont une piste. Parfois, on demande de ne recevoir l’argent que sous une forme moins facilement distribuables : par versement ou via un chèque, voir en plusieurs fois pour éviter de voir disparaître ( entendez « distribué ») tout l’argent du mois en quelques jours. Les tontines sont également un bon moyen d’épargne, phénomène traditionnel , les tontines méritent une explication plus poussée mais cet article est un bon début.

Biaisée que je suis par des années d’épargne, cette manière de distribuer tout argent et ainsi maintenir le lien social me parait tout à fait étrangère tout comme avoir sur moi ou chez moi des sommes importantes d’argent.

Et pourtant , il y a quelques années, je voyais cet exercice sur l’importance de la circulation de l’argent (voir aussi sur le sujet les travaux de  Magrit Kennedy).

L’exemple des 2.000 francs du voyageur
Un jour, un voyageur arrive à une auberge et demande une chambre pour la nuit et qu’il paye d’avance. Comme c’est le début d’après-midi, il va faire quelques courses.
En attendant, l’aubergiste voit le menuisier à qui il devait encore 2.000 francs pour une table. Il lui rembourse. Le menuisier donne ses 2.000 francs à sa femme qui va au marché acheté pour 2.000 francs de condiments, huile et légumes à la maraichère. La maraichère va chez son tailleur lui régler sa dette de 2.000 fr sur les uniformes des enfants. Heureux de cet argent, le tailleur souhaite organiser une fête pour son neveu dans deux jours, il se rend chez l’aubergiste et paie une avance sur le repas de 2.000.
C’est alors que le voyageur revient, il a reçu un appel urgent, il doit se rendre dans la capitale ce soir même. Comme il ne passera pas la nuit et que rien n’a été salit dans la chambre, l’aubergiste lui rend ses 2.000 frcs. Le voyageur n’a donc rien dépensé et pourtant la valeur des transactions de ce jour grâce à lui est de 8.000 frcs !: L’aubergiste a payé le menusier 2.000 fcs , la femme de menusieur a payé pour 2.000 au marché, cela fait 4.000. La maraichère a payé 2.000 frcs au tailleur, cela monte a 6.000. Le tailleur a payé une avance de 2.000 : cela fait 8.000
Hors si l’aubergiste avait épargné au cas où ( comme un bon belge) ou gardé l’argent pour le patron étranger de l’auberge ( comme un bon capitaliste), cet argent aurait pu être rendu mais personne d’autres n’en aurait bénéficié.

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