Ces dernières semaines, à plusieurs reprises, des personnes restées en Europe m’ont demandé : « mais tu fais quoi au Burkina ? ». Devant mon hésitation, elles précisent : « tu fais quoi comme boulot ? » ou encore « tes journées cela ressemblent à quoi ? ».
Je vis
J’avoue avoir autant de confusion à répondre à cette question « tu fais quoi ? » que si on me la posait sur un quotidien en Belgique. Refusant de répondre uniquement par le biais professionnel, en fait, je fais quoi… ben je vis, tout simplement.
Je vis au quotidien. Je fais mes courses, la cuisine, de temps en temps je mange à l’extérieur. Je m’occupe de la maison. Je vais travailler. Je lis, fais du sport, un peu. Je vais m’installer en terrasse/ au maquis avec des amis. Bref, je vis comme tout un chacun. Mais comme vous êtes curieux, je vais essayer ci-dessous de vous détailler un peu .

Oui, mais professionnellement ?
Malheureusement, cette question de « tu fais quoi ? », nous résume trop souvent à notre identité professionnelle et la réponse se doit d’être simple et désigner un métier connu et compris de tous et surtout rémunéré. Pour ma part, ce que j’identifie comme mes activités professionnelles est un peu plus diversifié que ça.
Tout d’abord, je suis venue au Burkina Faso suite à une formation en éco-conseil et éco-coopérant donnée par l’Institut Eco-Conseilhttps://www.eco-conseil.be/au-coeur-de-lexperience-eco-cooperant/ en partenariat avec la commune de Bobo-Dioulasso. Je dédie donc une bonne partie de mon temps aux suites de cette formation.
Tout d’abord, nous avons créée l’association des éco-conseillers et éco-coopérants du Burkina Faso avec les éco-conseillers burkinabés et les éco-coopérants présents au Burkina. Cette association doit nous permettre de mettre en valeur le métier d’éco-conseiller au Burkina . Nous sommes la première promotion d’éco-conseillers de l’Afrique ( !) mais aussi de nous entraider sur nos projets et de diffuser les notions et valeurs de l’éco-conseil. J’ai intégré le bureau de l’association en tant que vice-présidente.

Par ailleurs, certains projets issus de la formation continuent à se développer. Ainsi , à mon arrivée en août dernier, j’ai soutenu l’adaptation du projet que j’avais écris pour pouvoir le soumettre à un bailleur, dossier qui a été reçu avec succès quelques mois plus tard. Le projet sur lequel je mettais centré concerne le marigot Houet, rivière qui traverse la ville et sa réhabilitation et dépollution. Dans ce cadre, j’ai été mis en contact avec une association locale qui souhaite développer des projets dans ce sens et je participe à leurs réunions, apportant mes capacités en structuration de projets.
D’autres binômes ont continué sur leurs projets. Comme Jonas et Marie-Christine qui déploie l’éducation à l’environnement dans trois écoles primaires de Bobo. Ou Aurélie-Anne qui a trouvé un appel à projet pour faire financer le projet de protection des berges de la rivière Kou. Sans y consacrer tout mon temps, je continue à les suivre et à donner un coup de main là où je peux : en rédaction de dossiers, par une présence lors de certaines rencontres, en faisant le lien avec d’autres activités, etc.
Et puis, il y a, avec deux autres personnes rencontrées lors de la formation, l’ambition de créer un bureau de consultance autour de l’éco-conseil. Etant celle des trois avec le plus de disponibilités, je devrais en assurer la gérance pendant la mise en place de l’entreprise. Je me plonge donc dans les démarches de création d’entreprise.
Ces démarches sont facilitées par le fait que récemment, j’ai crée mon entreprise individuelle ( càd pris un statut d’indépendant) afin de pouvoir facturer certaines de mes prestations comme le soutien à la conception de dossier pour des associations mais aussi mon mandat auprès du CINÉ GUIMBI.
Pour le CINÉ GUIMBI, je mets en œuvre un cycle de créativité entrepreneuriale, soit de la sensibilisation et formation pour les porteurs de projets d’entreprises culturelles ou sociales. Dans ce cadre, j’organise et anime des ateliers, des projections , des formations.
C’est aussi auprès de l’équipe du Ciné GUIMBI que je développe une autre forme d’expertise : l’accompagnement au management et plus précisément au management d’équipe multi-culturelle. Un aspect de mes activités encore à ses débuts mais qui me passionnent entre mon expérience en gouvernance alternative, gestion de groupe et mes connaissances en anthropologie et sens de l’observation.

Et comme loisirs
Mais je ne suis pas venue au Burkina Faso pour travailler comme une folle et j’ai bien l’intention de profiter du climat qui me fais sentir en vacances dès que « je descends de service » ( que je quitte le travail).
Aussi je profite des nombreuses possibilités qu’offre une grande ville comme Bobo- Dioulasso.
Si je n’ai pas continué avec les cours de danses traditionnelles ( tout comme la danse folk essayée en Belgique, trop de cadre pour ce corps qui n’a envie que de bouger), j’ai pu trouvé un cours de Yoga que je suis régulièrement. Donné par monsieur Dioma, surveillant de lycée à la retraite, le cours attire un certain nombre de professeurs d’écoles et de fonctionnaires ( et contre-intuitivement peu d’occidentaux).

Je vais aussi régulièrement nager, m’arroser comme j’aime l’expliquer à mes amis burkinabè. Récemment, j’ai même commencé à donner quelques leçons à la fille d’un ami. Les burkinabè sont peu nombreux à savoir nager et un bon nombre a peur de l’eau.
Je vais aussi à des spectacles de danse, de contes, des concerts.
Et de temps, en temps, je sors de Bobo pour des excursions d’un jour comme la semaine dernière où nous sommes allés visiter le barrage de Samendeni à une heure de route de la ville.
J’explore
Et puis surtout, j’explore cette ville de Bobo, ces habitants, la culture burkinabé, ses subtilités.
J’ai toujours aimé explorer, c’est pourquoi petite je voulais être journaliste pour le GEO magasine et que plus tard, j’ai suivi des études d’anthropologie. Être ici me permet de développer cet aspect de ma personnalité de manière extensive.
Je m’éduque aussi. Comment me défaire des réflexes que ma société d’origine m’a inculqué ? Comment être activement non-raciste ? Souvent, je me pose des questions sur mes propres ressentis : « tiens quand je pense ça des burkinabè, est ce une observation réelle, est ce un jugement généralisant, voir raciste ? » Je m’ouvre à ces questions et cultive le fait de prendre conscience d’un autre point de vue, celui de l’autre, d’une autre culture, un autre histoire , un autre vécu.
Je m’appuie aussi sur des lectures que ce soit le rayon de fictions par des auteurs africains de la bibliothèque de centre culturel ou sur des livres qui traitent directement du sujet comme récemment « Ne suis-je pas une femme » de Bell Brooks sur le féminisme et les femmes noires américaines ou « l’écologie décoloniale » de Malcom Ferdinand.
Une conséquence de cette auto-éducation est que j’essaie de transmettre mes découvertes sur ce blog mais aussi via mes témoignages de changer l’image tronqué que les occidentaux peuvent avoir de l’Afrique. Ainsi, j’ai choisi sur ce blog d’éviter toutes représentations misérabilistes, réduisant l’Afrique et les africains à des victimes que nous nous devons d’aider. Même si tout n’est pas parfait, je préfère montrer le dynamisme d’ici, les façons de faire différentes dont nous pourrions nous inspirer tout en vous témoignant de « ce que je fais au Burkina ».