« Mais en terme de climat et de nourriture, c’est un peu pareil? » me demande ma maman lors de mon séjour au Togo. Disons que c’est un peu pareil mais pas totalement.
Lomé est distante de Bobo-Dioulasso de 1.290 km² par la route (838 à vol d’avion) soit l’équivalent (quelques centaines de kilomètres près) de Bruxelles- Copenhague, Bruxelles- Prague ou Bruxelles- Barcelone. Donc pour ceux qui connaissent les villes citées, Lomé et bobo sont aussi semblables mais aussi différentes que ça. Je vous fait un petit tour d’horizon. Veuillez noter que je n’ai visité que le sud du Togo ( région maritime et région des plateaux) et ne suis restée que comme touriste 2 semaines. Or, une expérience de touriste est toujours fort différente qu’une visite dans le cadre d’un travail ou encore d’une installation permanente. Je ne vois pas les mêmes choses car je visite différemment, les personnes me considèrent comme touriste: quelqu’un de passage qui est venu consommé et prendre du repos. Mon expérience du Togo est donc totalement différente de mon expérience du Burkina mais je vais quand même essayer de vous décrire ce qui m’a le plus frappé en termes de différences.
Un pays côtier
La première chose à considérer est que le Togo ( et encore plus la partie que j’ai visité) est un pays côtier à l’opposé du Burkina qui lui est enclavé . Cela influence énormément la culture , les infrastructures, l’économie. L’accès au reste du monde est facilité. Ce qui entraine diversité de personnes ( bien visible à Lomé dans les différentes gastronomies représentées), accessibilité des biens importés (moins chers et plus nombreux) mais aussi dégradation rapide des bâtiments suite aux embruns, une économie dépendante de l’extérieur, une exposition aux différences sociales et de richesse à un niveau bien plus globalisé, etc.

Inégalités
Ce qu’il m’a le plus frappé lors de mon arrivée à Lomé ( c’est moins visible à Kpalimé ou Agbornafo), c’est la fortement visible inégalité entre riches et pauvres. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de pauvreté ni de misères au Burkina Faso mais le contraste entre riches et pauvres y est moins visible et toutes les couches de la population peuvent se rencontrer au même grins de quartier (Ça me semble moins vrai à Ouagadougou qu’ailleurs mais il n’est pas rare de rencontrer un fonctionnaire et un gardien de maison prendre le thé ensemble). De plus, au Burkina, la richesse est relativement silencieuse, on tait son succès, on construit de belles maisons mais sans être trop ostentatoire. Par ailleurs, même les quartiers ou villages les plus pauvres ( non-lotis) restent construits. Un ami Burkinabè me disait » au Burkina, il n’y as pas de bidonvilles » et j’avoue , je n’en ai jamais vu. A Lomé, les deux villages qui entourent mon premier hôtel sont fait de bâches, de morceaux de nattes et de bouts de tôles rafistolés.. le contraste avec les quelques hôtels sur le front de mer et les usines derrière est impressionnant . A plusieurs reprises, j’ai pu croisé des personnes dormant allongées sur une natte dehors et bien qu’il y ait un phénomène de mendicité également au Burkina Faso, c’est plus rare de croiser des personnes qui dorment et vivent visiblement dehors.
Ce qui m’a surtout frappé à Lomé, c’est le contraste avec les grandes infrastructures: le Palais de Lomé, magnifique mais inaccessible, les passerelles au dessus de la nationale mais qui servent de toilettes à ciel ouvert (alors que des toilettes publiques sont construites un peu partout), l’énorme siège de la banque africaine de développement et le restaurant décrépis en face.

Architectures et monuments
A Lomé rivalise sièges grandioses des institutions internationales et gros hôtels de luxes avec anciens bâtiments coloniaux et constructions battues par le vent et les embruns.
Ailleurs, dans le pays c’est les traces des bâtiments coloniaux qui m’ont frappés. Les traces architecturales des anciens colons ( d’abord allemands ensuite britanniques et français) se retrouvent dans le moindre petit village. La présence de la mer a rendu le pays plus accessible et plus intéressant pour les côlons ( côlons économiques et missionnaires) de l’époque et bien que le centre ville de Bobo-Dioulasso présente quelques belles anciennes maisons coloniales, cette architecture est omniprésente au Togo.
Ces traces architecturales de l’époque coloniale sont notamment visibles sur les nombreuses églises présentes y compris dans la campagne togolaise. Le pays est plus catholique que le Burkina et a été le terrain de nombreuses missions d’évangélisation, de nouveau dû à la facilité d’accès par la mer.

En terme d’architecture, le Togo a aussi une passion pour les fresques murales. Alors qu’au Burkina , les fresques sont quasi exclusivement réalisées par les opérateurs téléphoniques comme outils de publicité, au Togo on retrouve de nombreuses fresques artistiques sur les murs, porteuses de messages ou pas.

Présences de l’État
Pour comprendre le rôle de l’État au Togo, il est important de savoir que le Togo est dirigé depuis 1967 ( soit 7 ans après l’indépendance) par la même famille, le président actuel ayant succédé à son père suite au décès de celui-ci en 2005. Bien que des élections sont régulièrement organisées, les togolais eux-mêmes vous diront qu’ils ont un gouvernement » de poigne » et que c’est le même clan au pouvoir depuis toujours.
L’État togolais a une présence visible sur tout le territoire ( enfin sur le territoire que j’ai visité). Cette présence visible se traduit par des panneaux d’état dans tous les villages que j’ai pu visité, des routes bien construites et ponctuées de nombreux contrôles, des investissements dans des infrastructures et projets de taille comme le Palais de Lomé, des toilettes publiques, des passerelles piétonnes au dessus des nationales, cette piste piétonne et cyclable le long de la mer à Aného… Projets qui , à part les routes, me semblent peu voir pas du tout au bénéfice d’une majorité de la population.

De belles routes
Les routes du Burkina Faso sont poussiéreuses, trouées, inondées ou crevassées en temps de pluie . le pourcentage des routes goudronnées est faible et les routes rouges ( en terre tassée) résistent peu au climat rude du pays. Cela a pour conséquences une isolation de la population rurale, une entrave au commerce y compris des campagnes vers les villes ( et inversement), des prix de transports élevés.
Par contraste, au Togo, les routes que j’ai vues sont en bonne état et bien entretenues. Pour aller de Kpalimé à Aného, je décide de prendre les petites voies , histoire de voir du pays. Le chauffeur me prévient « ah, ce sera la brousse , hein ». La route de terre que nous empruntons vient d’être rénovée et même la partie non encore refaite est sans ornières ni trous. A mi-chemin, nous rejoignons un goudron plat qui nous conduira à destination… Pas tout à fait, ce qui ce serait passé au Burkina avec la même phrase d’introduction.
En parlant de route, j’ai pu noter que certaines règles de sécurité routière sont mieux suivies ( tout le monde porte un casque, une conséquence d’une forte répression et une campagne de sensibilisation qui a profité du décès d’un jour de football célèbre d’un accident de moto) et d’autres, le sont beaucoup moins. Sur la route de Lomé à Kaplimé, nous étions 8 passagers dans une voiture 5 places… j’ai passé le voyage sur les genoux d’un couple de ghanéens hilares.

La corruption décomplexée
Ce trajet coincée comme une sardine dans le taxi-brousse m’a fait expérimenter une autre différence forte : le côté décomplexé de la corruption au Togo.
La corruption existe partout au Togo, au Burkina, en Belgique, en France. Elle prend différentes formes, elle est plus au moins ancrée dans les pratiques , plus ou moins tolérée, plus ou moins visible, parfois le fait de quelques criminels, parfois une pratique de presque tous les métiers exerçant un soupçon de pouvoir. Lors de mon séjour au Togo, j’ai été frappé par sa nature décomplexée, visible et quotidienne.
Lors de ce fameux trajets Lomé-Kpalimé ( 123 km), notre taxi-brousse s’est arrêté 5 fois aux différents barrages de police, douane, etc. Au total, il a dépensé autour de 4.000 ou 5.000 frcs soit l’équivalent d’un passager et demi… Pas étonnant qu’il mette un passage supplémentaire sur les genoux des autres.
J’ai pu rencontré cette corruption décompléxée à d’autres moments. En suivant un véhicule chargé d’eau qui donne ( suite à une interpellation ) une partie de son chargement aux officiers en poste, en quittant un lieu où l’officier nous demande clairement » et vous m’avez ramené quoi comme cadeau? » et à mon arrivée à l’aéroport.
Le Togo a instauré , il y a peu , une procédure d’immigration à faire en ligne tout comme le visa. Le voyageur à côté de moi, n’a apparemment pas tout fait. Le douanier lui fait remarquer qu’il manque un papier. La réponse » ah mais ce n’est pas la première fois que je viens, on peut s’arranger je pense »… Un billet de 5.000 frcs suit. Le monsieur passe le contrôle dans la foulée… Pour ma part, je suis encore restée dix bonnes minutes pendant que le douanier retournait mes documents dans tout les sens sans m’adresser la parole ni regards.
» Et tu as aimé le Togo? »
C’est une question que les burkinabè m’ont posé au retour, parfois suivi de » et tu vas/ tu pourrais aller vivre là bas? Vu que c’était bien.. » Ma réponse? J’ai passé de très bonnes vacances, j’ai vraiment aimé mais je ne veux pas vivre au Togo.. je préfère le Burkina.
Pourquoi me demanderez vous? A mon retour, à l’aéroport, le douanier chargé du contrôle des visas me dit, en regardant mes nombreux visas et ma carte d’immigration: « Bonne arrivée »… » Des vacances au Togo, elles se sont bien passées? »… » Bon retour chez vous ». Moi qui ai beaucoup voyagé, je n’ai ce genre de conversation avec des douaniers que au Burkina Faso ( pas à chaque fois que j’arrive à Ouagadougou mais jamais ailleurs)… et je pense que l’essence de « pourquoi je reste au Burkina Faso » se trouve là.

